La ville était en feu.
Les immeubles s'effondraient les uns après les autres dans un fracas assourdissant, avalés par les flammes. L'air empestait la poussière, la chair brûlée et le métal fondu.
Au milieu des décombres, un homme se tenait debout.
Un super-héros.
Son masque pendait dans sa main tremblante. Des larmes coulaient sur son visage couvert de sang — le sien, et celui d'autres. Son costume était déchiré, transpercé de plusieurs épées plantées dans son corps. Autour de lui, des dizaines de corps gisaient au sol. Tous portaient, gravé sur le cou, un mot : HYPERNO.
Mais pour comprendre comment cette tragédie a commencé…
Il faut remonter dix ans plus tôt.
Sur la planète Terre, dans la ville de Prime, un grand évènement battait son plein.
Une startup nommée Better Life organisait une cérémonie pour dévoiler son nouveau projet, destiné — selon ses créateurs — à « faciliter le quotidien de l'humanité ».
La salle était bondée.
Les invités échangeaient des sourires, des murmures curieux. Des serveurs élégants circulaient entre les tables, offrant des coupes de champagne et des amuse-bouches.
Puis les lumières s'assombrirent. L'attention se tourna vers la scène.
Sur le podium apparurent les trois fondateurs de Better Life : Nolan Park, Paul Who et Lola Xiaomi.
Les applaudissements résonnèrent aussitôt.
Nolan, costume sombre et regard brillant, s'avança vers le micro.
— Bonsoir, Prime Ville… Comme vous le savez, cette entreprise, nous l'avons bâtie avec amour et volonté. Notre but n'a jamais changé : être là quand le monde ne peut plus vous venir en aide.
Son regard se posa sur une femme assise dans l'assistance.
Jecica, sa femme depuis deux ans. Il lui fit signe de venir le rejoindre sur scène, mais elle secoua la tête avec un léger sourire.
Sur l'écran géant derrière eux, une grande toile affichait les visages des créateurs de Better Life.
Quatre visages.
Mais un seul manquait sur le podium.
Nolan reprit d'une voix plus grave :
— Cela fait déjà trois ans qu'Élisabeth… notre Élise… a disparu. Mais avant de partir, elle nous a laissé un héritage. Son projet.
Le rideau s'ouvrit, révélant un prototype de robot humanoïde que des assistants déposèrent sur la scène. Un murmure d'étonnement parcourut la foule.
— Ce robot, expliqua Nolan calmement, est conçu pour sauver des vies. Imaginez : vous êtes gravement blessé, perdu, incapable d'appeler à l'aide. Grâce à ces robots et à un bracelet connecté, votre position, votre rythme cardiaque et vos besoins vitaux sont immédiatement détectés. Le robot se rend jusqu'à vous, plus vite que n'importe quelle ambulance.
Des applaudissements éclatèrent, mêlés de chuchotements. Les journalistes prenaient des notes frénétiques.
Un homme dans le public leva la main.
— Pourquoi présenter ce projet maintenant ? Le mouvement a déjà été abandonné depuis des années…
Nolan jeta un regard à Paul et Lola, puis répondit avec gravité :
— Parce que les cris et les pleurs de ceux qui souffrent sont notre motivation. Et parce qu'Élisabeth le voulait. C'est pour honorer sa mémoire que nous reprenons ce projet.
Les caméras de Better Life diffusaient la cérémonie en direct dans tout le pays.
Et, quelque part, un homme seul regardait le discours sur son écran. Il portait une marque sur le cou : HYPERNO.
— C'est la solution… C'est enfin la solution ! hurla-t-il, les yeux fous, devant son téléviseur.
La cérémonie s'acheva dans une atmosphère joyeuse.
Nolan et Jecica rentrèrent plus tôt que prévu.
Dans leur voiture autonome, le silence paisible de la route contrastait avec le tumulte de la fête.
Le téléphone de Jecica sonna.
— Bonjour ! répondit-elle d'une voix pâle.
Une voix féminine parla longuement à l'autre bout du fil.
— D'accord, pas de souci. À demain, alors. Et encore désolée pour aujourd'hui.
Nolan la regarda du coin de l'œil.
— C'était Karine ? demanda-t-il doucement.
— Oui… la mère porteuse. J'avais oublié qu'on devait se voir aujourd'hui, soupira Jecica.
Elle posa la tête sur l'épaule de son mari.
— J'ai envie d'avoir plusieurs enfants… dit-elle dans un murmure rêveur.
— Et moi, j'ai déjà hâte de les élever avec toi, répondit Nolan en caressant ses cheveux.
Un sourire complice se dessina sur leurs lèvres.
Le lendemain, Nolan reprit son travail.
Chirurgien brillant, il était devenu riche grâce à une invention révolutionnaire : la Pilule Zéro, un médicament capable de sauver des patients mourants.
Le produit coûtait cher, mais il avait changé la médecine moderne.
Malgré sa réussite, Nolan rêvait d'une version encore plus puissante. Dans son laboratoire privé, il travaillait jour et nuit à une « nouvelle génération » de pilules.
Un soir, Jecica entra dans le labo, les cheveux relevés, l'air contrarié.
— Tu as oublié ?
Nolan leva la tête, surpris.
— Oublié quoi ?
— C'était à toi de choisir le film ce soir ! lança-t-elle, faussement fâchée.
Il resta silencieux, l'air coupable, puis esquissa un sourire.
— Tu ris ? demanda-t-elle, les bras croisés.
Nolan sortit une clé USB de sa poche.
— Le film est déjà prêt. Je t'ai eue.
Ils éclatèrent de rire, se poursuivant dans le laboratoire.
C'était leur bonheur simple — la légèreté avant la tempête.
Quelques semaines plus tard, l'hôpital où travaillait Nolan fut pris d'assaut.
Trois hommes masqués, armés jusqu'aux dents, firent irruption.
Sur leurs vestes : un symbole. KJ.
Le chef, un colosse tatoué torse nu sous un gilet en jean, se faisait appeler le Maître.
À ses côtés : Carnage, brute sanguinaire capable de broyer un crâne à mains nues, et Mentos, tueur sadique obsédé par les fleurs.
Les balles pleuvaient. Les vitres éclataient. Les cris résonnaient dans les couloirs.
Nolan, paniqué, se réfugia dans son bureau avec Morice, un vieil homme qu'il soignait depuis peu.
Les tueurs cherchaient quelqu'un.
Et très vite, Carnage hurla :
— Nolan Park ! Ton heure est arrivée !
Les pas lourds résonnaient dans le couloir.
Nolan tremblait. Dans son tiroir, trois capsules de la nouvelle Pilule Zéro luisèrent faiblement. Des prototypes instables.
Avant qu'il n'ait pu réagir, la porte vola en éclats. Carnage le saisit par la gorge et le traîna comme un jouet.
Dans le hall, Mentos s'amusait avec un patient blessé, Jacob Watterson, qu'il poignardait lentement, en riant.
Mais alors que tout semblait perdu, une silhouette surgit dans un souffle.
Un homme masqué.
Un héros inconnu.
Il frappa Mentos d'un coup si puissant qu'il le projeta contre un mur.
Carnage, furieux, fit face à lui.
— Qui es-tu ? grogna-t-il.
— Appelle-moi comme tu veux, répondit le héros. Mais en prison, les noms ne comptent plus.
Le combat éclata.
Le héros était agile, précis, redoutable. Il esquivait les coups titanesques de Carnage, contre-attaquant avec une maîtrise impressionnante.
Le Maître, lui, traquait toujours Nolan.
Quand il le trouva, Nolan, désespéré, avala l'un des prototypes de la nouvelle Pilule Zéro.
Son corps s'embrasa de douleur… puis plus rien.
Il ne sentait plus la souffrance.
Juste la rage.
Il se jeta sur le Maître, sans peur, insensible aux blessures. Mais la pilule avait un effet secondaire : des hallucinations.
La réalité se déformait autour de lui.
Et soudain, dans un cri, le masque du héros se brisa.
Nolan reconnut ce visage.
— Morice… ? murmura-t-il, horrifié.
Le vieil homme, couvert de sang, s'effondra.
Le Maître approcha de Nolan.
— Tu as de la chance, docteur Park. On a besoin de toi vivant.
Il l'attrapa par la gorge et l'écrasa contre le sol.
Puis les trois assassins disparurent avant l'arrivée des forces gouvernementales.
Quand les secours pénétrèrent dans l'hôpital, il ne restait que deux survivants :
Nolan Park, et le mystérieux héros inconnu… Morice.
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À suivre…
