Dans une pièce sombre, maculée de griffures et de traînées de sang séché, une créature monstrueuse — chose de cauchemar et non de nature — avançait lentement vers un jeune homme assis contre un mur brisé.Chaque pas faisait trembler le sol, fracturant la pierre sous ses pieds difformes. La bête respirait fort, un râle guttural qui résonnait comme un grondement d'enfer.
Le jeune homme, Ace, cracha une gorgée de sang sur le sol et se releva difficilement. Son dos lui brûlait, ses côtes protestaient, mais son regard restait fixe, chargé d'une lueur de défi presque joyeuse.Pour la première fois depuis longtemps, il faisait face à un adversaire capable de lui faire mal. Et cela… l'excitait.
— Tu veux jouer ? murmura-t-il avec un sourire carnassier.
La créature ne répondit pas. Sa peau semblait fondre sur ses os, comme si elle avait été étirée jusqu'à la rupture. Elle possédait des mains griffues aux doigts interminables, et son visage — ou ce qui lui servait de visage — n'était qu'un amas d'yeux et de mâchoires superposées, suintant d'un liquide noirâtre.Chaque respiration faisait vibrer la pièce d'un souffle putride.
Ace bondit soudain en avant, frappant la créature d'un direct dans le torse. L'impact fit un bruit sourd, mais la bête ne broncha pas. Elle abaissa ses innombrables yeux vers lui, silencieuse, presque amusée.Le sourire d'Ace se figea.
— On peut discuter, sinon ? proposa-t-il, la voix tremblante, levant les mains avec ironie.
La réponse fut un hurlement strident, un cri si puissant qu'il fit vibrer les murs. Ace se boucha les oreilles, mais la créature l'envoya aussitôt voler d'un coup de pied monstrueux. Son corps traversa la pièce et s'écrasa contre le mur opposé dans un nuage de poussière.
À la surface, le vent hurlait entre les ruines du bunker. Le blizzard s'était levé, déchaînant des bourrasques glacées qui emportaient la neige à l'horizontale.Soudain, le sol explosa : Ace fut projeté hors du sous-sol, traversant la couche de neige et de glace. Il s'éleva dans le ciel, ses ailes jaillissant dans un éclair de lumière blanche et noire. Mais avant qu'il ne puisse se stabiliser, l'ombre du monstre surgit au-dessus de lui.Les griffes géantes s'abattirent.
— Merde !
Dans un réflexe, Ace invoqua Ulysse pour la première fois. Des étincelles d'énergie noire et blanche jaillirent de son corps, se tissant dans l'air pour former une épée à la fois belle et terrifiante.Le manche, fait d'onyx sombre, se terminait par une garde fine et courbée. La lame, elle, semblait vivante : son centre était noir comme l'abîme, mais ses bords brillaient d'un blanc pur, parcourus de gravures en forme de flammes.
Ace leva l'arme au-dessus de sa tête juste à temps. Les griffes frappèrent. Le choc libéra une onde d'énergie et le propulsa vers le sol. Il s'écrasa violemment dans la neige, creusant un cratère autour de lui.Quelques secondes plus tard, le monstre tomba à son tour, percutant le sol à une dizaine de mètres de distance.
Le vent soufflait encore plus fort. La neige tourbillonnait en cercles, rendant toute visibilité presque impossible. Ace se redressa lentement, serrant son épée, haletant. Dans le vacarme du blizzard, une voix résonna dans son esprit :
— Calme-toi. Si tu pars du principe que tu vas perdre, alors tu perdras vraiment.
Ace sursauta. Cette voix… il la connaissait. Elle semblait venir de partout et de nulle part, douce et ferme à la fois.Il inspira profondément et relâcha la tension dans ses muscles. Son regard se fit plus clair.
La créature se tenait face à lui, accroupie comme un prédateur sur le point de bondir. Ses griffes luisaient. Ses multiples yeux fixaient Ace avec une haine viscérale.Et pourtant, Ace ne ressentait plus la peur — seulement une excitation pure. Il sentait quelque chose pulser à travers l'épée, une connaissance qui n'était pas la sienne.
— Tu le sens, pas vrai ? dit la voix d'Ulysse dans son esprit.Tu sais comment manier cette lame… C'est le dernier cadeau de papa et maman. Toute leur expérience, leurs réflexes, leur art du combat… dorment en toi. Et maintenant que tu m'as invoqué, tout cela t'appartient.
Ace resta figé un instant. Un frisson parcourut son échine. Il comprenait maintenant. Ses parents n'avaient pas seulement laissé derrière eux un héritage… ils l'avaient gravé en lui.
— Allez, reprit Ulysse d'un ton enjoué, amusé même.Maintenant, allons tuer cette horreur.
Ace esquissa un sourire. Il fit tourner la lame dans sa main, étonné de la fluidité du geste. Chaque mouvement semblait naturel, instinctif, comme s'il avait manié cette épée toute sa vie.Il prit position : un pied en avant, l'arme levée à hauteur de visage, la pointe dirigée vers l'adversaire.
Face à lui, le monstre fléchit les genoux et poussa un grondement, prêt à charger.Le monde sembla s'arrêter.
Pendant un instant suspendu, il n'y eut plus ni vent, ni froid, ni bruit — seulement deux êtres, face à face, conscients que l'un des deux allait mourir.
Puis ils disparurent.Le choc de leur rencontre fit éclater l'air en une onde de puissance titanesque. Toute la neige autour d'eux s'envola dans un rayon de trente mètres, dévoilant la terre nue et fumante.
Le duel venait de commencer.