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Chapter 3 - chapitre 3

Après le déjeuner, Ange avait le cœur lourd. Il pensait à la soirée. Il pensait à Rachelle. Il pensait à tout… sauf à ce qu’il allait porter.

Alors, alors qu’ils marchaient ensemble vers les salles de classe, il se tourna vers Gabriel, gêné.

— J’ai rien pour ce soir…

— Rien ? fit Gabriel en haussant un sourcil. Genre… ?

— Pas de vêtements adaptés. Et pas vraiment d’argent non plus pour en acheter.

Gabriel ne rit pas. Il ne le jugea pas. Il se contenta de souffler, comme si c’était la chose la plus simple du monde :

— T’inquiète. C’est pas un problème.

Ange le fixa, surpris.

— Après les cours, On ira ensemble choisir ce qu’il te faut. Je connais une bonne boutique.

— Hein ? Tu veux dire… Tu veux vraiment m’acheter des vêtements ? demanda Ange, déconcerté.

Gabriel eut un petit sourire.

— pas tout à fais, mais on peut dire ça comme ça. Ça te dérange ?

— Non mais… Pourquoi tu fais ça ? demanda Ange, les yeux ronds.

Gabriel marqua un court silence. Il regarda droit devant lui, puis répondit simplement :

— Parce que j’étais comme toi, avant.

Cette phrase frappa Ange comme une gifle douce. Il voulut poser plus de questions, mais Gabriel lui coupa l’envie d’en dire plus d’un regard.

— Prends ça comme un geste d’ami.

Ange s’arrêta de marcher une seconde. Il répéta :

— Ami ?

Il tourna lentement la tête vers Gabriel.

— Tu es sûr de ce que tu dis là ? Tu me considères comme ton ami ? Moi, Ange ?

Gabriel détourna légèrement les yeux, un peu gêné. Il grattouilla l’arrière de sa tête.

— Ouais… Je pense que oui.

Un silence chaleureux s’installa. Et pour la première fois, Ange sentit qu’un lien invisible s’était noué entre eux. Un lien qui n’avait rien à voir avec les vêtements, ni même avec Rachelle.

Un lien rare. Le début d’une véritable fraternité.

13h tapantes. Ange n’était pas en retard.

Il attendait devant une maison modeste mais propre, dans un quartier calme. Rien d’ostentatoire. Juste… maîtrisé, à l’image de Gabriel.

Quelques instants plus tard, la porte s’ouvrit. Gabriel sortit, habillé simplement, mais avec une élégance naturelle qui agaçait presque Ange. Même en tee-shirt noir et jean, il dégageait ce truc… ce charisme tranquille que les autres mettaient des années à développer.

— Prêt ? lança-t-il en descendant les marches.

— Ouais…

Ils montèrent dans un taxi. Durant le trajet, Ange observait discrètement son camarade. Il voulait comprendre. Comment un gars de son âge pouvait être aussi à l’aise dans sa peau ? Aussi sûr ? Aussi… respecté.

La voiture s’arrêta devant une boutique que Ange n’aurait jamais osé entrer seul : Dapper Mode. Une façade noire, des lettres dorées, des mannequins en vitrine avec des tenues urbaines-chic qui criaient classe et danger à la fois.

— On entre ? demanda Gabriel.

Ange hocha la tête.

À l’intérieur, l’ambiance était feutrée. Des vendeurs bien habillés, une musique jazzy en fond, des vêtements suspendus comme des œuvres d’art. Gabriel salua le responsable du magasin d’un signe de tête. Ils semblaient se connaître.

— Mets-toi à l’aise. Aujourd’hui, c’est toi la star, dit Gabriel en posant une main sur son épaule.

Ange resta figé quelques secondes.

— Mais… Tu vas vraiment m’acheter un truc ici ? C’est sûr que c’est pas dans mon budget, hein…

— J’ai pas dit que tu allais payer, sourit Gabriel.

Un costume décontracté noir, une chemise blanche à col mao, une montre simple mais brillante, une paire de sneakers au design minimaliste.

Quand Ange ressortit des cabines d’essayage, même lui n’en revenait pas.

Il se regarda dans le miroir.

— C’est… moi, ça ?

Gabriel sourit. Mais son regard était sérieux.

— Ce soir, t’es pas juste un gars en plus. Tu dois marquer son esprit dès qu’elle pose les yeux sur toi. Pas pour faire le beau… mais pour qu’elle se dise : “Je l’avais mal jugé.”

— Mais… Et si j’ai rien à dire ce soir ? Si je bloque encore ?

Gabriel posa une main sur son épaule.

— Alors ce sera à ton regard de parler. Garde la tête haute. Parle moins. Mais que chaque mot ait du poids.

Ange inspira profondément. Pour la première fois, il comprenait que séduire n’était pas une question de beauté. C’était une question de présence.

Et ce soir, il allait en avoir.

Les vêtements choisis, les deux jeunes se dirigèrent vers la caisse. Ange n’osait pas imaginer le montant. Même si Gabriel avait dit que c’était lui qui payait… 234 000 francs CFA, ce n’était pas un petit achat.

— Bonjour messieurs, dit la caissière avec un sourire professionnel. Ça vous fera 234 mille.

Gabriel tapota ses poches.

— Ah mince, je crois que j’ai laissé mon portefeuille dans la voiture, fit-il en jetant un regard rapide vers la vitrine.

Juste à ce moment-là, un homme élégant en costume trois pièces s’approcha de la caisse, téléphone à la main.

Gabriel, comme par hasard, fit un pas de côté… et bouscula légèrement l’homme.

— Oh ! Pardon Monsieur, désolé ! dit-il rapidement avec un petit sourire.

— Faites attention jeune homme, répondit le monsieur, visiblement pressé.

Gabriel le laissa passer, l’air embarrassé.

Ange, silencieux, observait.

Moins d’une seconde plus tard, Gabriel sortit un portefeuille en cuir qu’il n’avait pas en main quelques secondes plus tôt.

Il glissa la carte dans le terminal sans broncher.

Bip.

Transaction validée.

— Voilà, dit-il simplement en prenant les sacs. On y va ?

Ange resta figé quelques secondes. Il l’avait vu. Pas de doute.

Gabriel venait de voler un homme… en plein magasin.

En sortant, le soleil frappait fort. Mais c’était autre chose qui chauffait sous la peau d’Ange : un mélange de honte, de peur… et de trahison.

Ils marchaient quelques pas sans parler.

Puis, Ange craqua :

— Tu l’as volé, Gabriel.

Gabriel s’arrêta et tourna doucement la tête vers lui.

— De quoi tu parles ?

— T’as pris son portefeuille, je t’ai vu.

Gabriel soupira.

— Tu crois vraiment que je ferais ça ? devant toi ? Tu te fais des films.

— Mais j’ai vu…

— Non, t’as cru voir. C’est pas pareil.

Ange fronça les sourcils. Il voulait insister. Crier. Dénoncer.

Mais il garda le silence.

Pourquoi ? Il ne savait pas exactement.

Peut-être parce qu’il lui avait acheté des vêtements. Peut-être parce qu’il lui avait tendu la main quand personne ne le faisait. Peut-être parce que… dans ce monde, il n’avait jamais vraiment eu d’ami.

Gabriel lui tapa doucement l’épaule.

— Détends-toi. Ce soir, t’as un rencard. Concentre-toi là-dessus. Tout va bien se passer.

Il lui sourit, comme si de rien n’était.

Et Ange, malgré lui, força un sourire en retour.

Mais au fond de lui… quelque chose venait de se fissurer.

Il ne restait plus qu’à attendre la soirée.

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