WebNovels

Chapter 28 - Mon point de vue

**Mon point de vue**

Je m'appelle Victor.

J'ai quarante-sept ans, une vie bien rangée, et assez d'argent pour ne plus compter les factures.

Je vais vous raconter mon histoire, telle que je l'ai vécue.

Et vous verrez : elle est simple, belle, sans accroc.

Parce que c'est mon point de vue, et dans une autobiographie, c'est l'avantage – il n'y en a qu'un seul.

J'ai grandi dans une maison jaune au bout d'une impasse calme.

Le genre de maison où les oiseaux chantent le matin et où les voisins sourient quand ils vous croisent.

Mon père était un homme bon.

Il travaillait dur comme comptable, rentrait à 18 h 32 précises avec son cartable en cuir usé, et me prenait sur ses genoux pour m'expliquer les chiffres.

« Les nombres ne mentent jamais, Victor. Pas comme les gens. »

Il m'a appris à être honnête, à ne pas pleurer, à toujours tenir parole.

Ma mère était douce comme un gâteau chaud.

Elle faisait des tartes aux pommes le dimanche, me bordait le soir avec une histoire, et me disait « mon trésor » en m'embrassant sur le front.

Ils m'ont aimé.

Ils m'ont tout donné.

À l'école, j'étais l'élève modèle.

Des notes parfaites, des amis fidèles, des profs qui me citaient en exemple.

Je n'ai jamais eu de problèmes.

Jamais de bagarre.

Jamais de note rouge.

Juste une enfance lisse, comme une photo sans pli.

À dix-sept ans, j'ai rencontré Claire.

Dans une librairie.

Elle cherchait un livre sur les fleurs.

J'ai osé lui dire : « Prenez celui sur les roses. Elles durent plus longtemps. »

Elle a ri.

Un rire comme un soleil qui se lève.

On s'est mariés à vingt-deux ans.

Mariage simple, famille réunie, promesses éternelles.

On a eu deux enfants : un garçon, un trésor comme sa mère, et une fille, douce comme un rêve.

Ma carrière ? Un succès.

J'ai commencé comme employé de bureau, grimpé les échelons jusqu'à directeur adjoint.

Voiture de fonction.

Maison avec jardin.

Vacances à la mer tous les ans.

Claire était heureuse.

Les enfants aussi.

Je n'ai jamais levé la main sur eux.

Jamais crié.

Jamais manqué un anniversaire.

Je n'ai pas de regrets.

Pas de secrets.

Ma vie est parfaite.

Lisse.

Sans pli.

Je suis mort à quarante-sept ans.

Crise cardiaque dans mon bureau.

Tout le monde a pleuré à l'enterrement.

On a dit que j'étais un homme bien.

Un père exemplaire.

Un mari irréprochable.

Et c'est vrai.

Tout est vrai.

Parce que c'est mon point de vue.

Et l'avantage d'une autobiographie,

c'est qu'il n'y a qu'un seul point de vue.

Le mien.

Mais dans la cave de la maison jaune,

il y a une porte que personne n'a jamais ouverte.

Derrière, une pièce sans fenêtre.

Des chaînes au mur.

Des traces de griffes sur le béton.

Et des os très très petits.

Claire n'a jamais eu les yeux au beurre noir.

Elle tombait souvent dans les escaliers.

C'est elle qui le disait.

Les enfants n'ont jamais eu peur de moi.

Ils étaient juste timides.

C'est ce que je leur ai appris.

Le chien n'a jamais disparu.

Il s'est juste enfui.

Et moi,

je n'ai jamais pleuré.

Jamais.

Parce que les hommes ne pleurent pas.

Et que dans mon histoire,

je décide.

L'avantage d'une autobiographie,

c'est qu'il n'y a qu'un seul point de vue.

Et le mien est parfait.

**FIN.**

La vérité est un miroir brisé.

Chaque éclat raconte une histoire différente.

Et le monstre,

c'est celui qui colle les éclats pour que ça ressemble à un portrait flatteur.

Mais tôt ou tard,

les fissures se voient.

Et le verre coupe.

🤍

More Chapters