WebNovels

Le monde

elvis_
7
chs / week
The average realized release rate over the past 30 days is 7 chs / week.
--
NOT RATINGS
131
Views
VIEW MORE

Chapter 1 - Lucie, la treizième étoile

Lucie, la treizième étoile

Je m'appelle Také.

Un nom qui résonne comme un écho dans les voûtes de l'église qui m'a recueilli. Bourgeois de naissance, orphelin par le destin, je n'ai jamais connu le visage de mes parents.

Mon monde, c'est cette église — là où résonnent les rires et les pleurs de mes frères et sœurs de cœur.

Notre bonheur tient dans une mosaïque de petits riens, de gestes partagés, de regards complices.

Nous sommes quinze âmes liées, quinze destins entrelacés.

Chaque matin, je m'éveille au son des cloches, saluant le jour naissant avec un sourire.

À table, les conversations fusent, légères et joyeuses.

Parmi nous, Lucie, la treizième étoile de notre constellation, brille d'un éclat particulier.

Sa présence est un cadeau du ciel, un souvenir gravé dans le marbre de mon cœur.

Ce matin-là, alors que les premiers rayons du soleil caressaient nos visages, elle s'approcha de moi, malicieuse.

Je comptais les jours comme on égrène un chapelet, espérant que chaque grain nous rapproche d'une famille aimante.

Tous, sauf moi.

L'orphelinat est mon havre, mon ancre, et l'idée de le quitter me remplit d'appréhension.

Trois jours plus tard, une annonce allait bouleverser notre routine.

Le chef de l'église, notre guide spirituel et terrestre, nous rassembla pour un message solennel.

Mon cœur s'alourdit. Mon souffle se suspendit lorsqu'il prononça son nom :

Lucie.

Les larmes, traîtresses, s'échappèrent de mes yeux.

Je les chassai d'un revers de main, feignant l'indifférence.

La joie collective ne pouvait masquer mon désarroi.

Comment se réjouir pour elle alors que mon âme criait son refus ?

Égoïste, je l'admets — mais l'amour est une bête sauvage que nul ne peut dompter.

Plus tard, dans l'intimité de ma chambre, Lucie entra, le visage illuminé d'un sourire qui aurait pu éclairer le monde entier.

Elle me saisit doucement le bras, excitée :

— Také ! Je vais enfin pouvoir découvrir le monde !

Je vais voir des villes, des montagnes, des océans… tout ce que je rêvais !

Chaque mot qu'elle prononçait éclatait comme un feu d'artifice dans la pièce… et chaque étincelle me transperçait.

Je la regardais, muet. Les larmes montaient, mais je refusais de les laisser tomber.

Elle s'approcha encore, ses yeux brillants cherchant les miens :

— Tu comprends ? Tout ce que j'ai espéré… c'est enfin réel !

Et toi… tu seras là, dans mon cœur. Toujours.

Je voulais dire quelque chose.

Je voulais lui dire que je ne pouvais pas partager cette joie, que mon cœur saignait de la voir partir.

Mais aucun mot ne sortit.

Tout ce que je pus faire, ce fut baisser les yeux et murmurer, presque pour moi-même :

— …Sois heureuse. Seulement heureuse.

Elle baissa la tête un instant, comprenant le silence, la douleur qui tremblait dans mes mains et dans mes yeux.

Puis, avec un dernier sourire, elle se détourna.

La lumière du couloir l'engloutit, et je restai seul, l'écho de sa joie vibrant dans ma poitrine comme un poignard invisible.

Le silence emplit la chambre.

Je restai là, immobile, les poings crispés sur mes genoux.

Chaque rire, chaque mot de Lucie flottait encore dans l'air, et chaque souvenir me brûlait de l'intérieur.

J'avais voulu être fort, lui montrer que je ne m'effondrais pas.

Mais maintenant… maintenant je regrettais.

J'aurais voulu la retenir, la garder ici, près de moi, pour toujours — même si je savais que cette joie qu'elle portait était étrangère à ma tristesse.

Je me sentais coupable.

Égoïste.

Oui, égoïste de vouloir retenir quelqu'un qui doit s'épanouir, juste pour apaiser ma peur de la perdre.

Et pourtant… chaque fibre de mon être criait qu'elle ne devait jamais partir de mon monde.

Elle allait s'éloigner, suivre sa lumière, et moi… je resterais seul avec l'ombre de son absence.

Je posai la tête entre mes mains.

La douleur, le désir, la culpabilité… tout s'entremêlait en un nœud indéchiffrable.

Et dans ce chaos silencieux, je murmurai, presque pour moi-même :

— Lucie… reste.

Reste ici, juste un instant de plus…

Même si je sais que c'est mal.

Mais je savais déjà qu'elle ne pouvait pas.

Elle devait s'envoler.

Et moi, je devais apprendre à vivre avec le vide qu'elle laissait derrière elle — et avec l'égoïsme de mon cœur qui voulait la garder à jamais.

Un mois s'écoula, et le jour de son départ arriva, marquant la fin d'un chapitre de notre histoire commune.

Le matin se leva comme un voile se retirant, révélant un monde nouveau et cruel.

Dans le jardin de l'orphelinat, chaque pierre, chaque fleur portait l'écho de nos jeux d'enfants.

Je la regardai s'éloigner.

Son sourire, lueur d'espoir dans l'obscurité de mon chagrin, promettait des lendemains emplis de rêves.

Et moi, l'âme en peine, je murmurais à l'univers :

Que ton chemin soit pavé de lumière.

Que chaque pas te porte vers l'azur.

Que l'amour soit ton étoile polaire, guidant ton cœur à travers les murs.

Lucie, petite sœur de mon âme,

ton absence est une éclipse dans mon ciel.

Mais je garde la flamme —

pour un jour, peut-être,

te retrouver sous le même soleil.

Fin...