Hikaru Tanaka sentit le monde se dissoudre autour de lui. Dans son appartement sale et humide, rongé par la solitude et la faim, il comprit trop tard qu'il ne se réveillerait plus. Sa dernière pensée fut un mélange de regret et de résignation :
« J'aurais tellement voulu vivre autrement… »
Hikaru rouvrit les yeux dans une pièce qu'il n'avait jamais vue auparavant. Le plafond blanc trop lumineux l'aveugla un instant, lui rappelant un hôpital… sauf qu'il n'était pas sur un lit d'hôpital. Il se redressa brusquement. Il portait un sweat ample, propre, et ses mains paraissaient étonnamment fines. Même son souffle semblait plus léger.
« Hein… ? »
À peine avait-il prononcé ce son que d'autres voix surgirent autour de lui. Sur le sol, sur un canapé, ou assis contre un mur, quatre jeunes hommes, tous aussi perdus que lui, se réveillaient à la même seconde. On aurait dit qu'on avait appuyé sur un interrupteur.
« C'est quoi cet endroit ? » fit le premier, un garçon aux cheveux noirs légèrement ondulés.
« On est morts ? » demanda un autre plus costaud qui regardait ses mains comme si elles ne lui appartenaient pas.
Hikaru sentit la panique monter. Les battements de son cœur accéléraient. Il tenta de rassembler ses souvenirs. Il se revoyait, maigre et affamé, dans son petit appartement. Il se souvenait être tombé au sol. Puis… plus rien.
L'un des garçons, un brun aux yeux calmes, fronça les sourcils. « Je me rappelle avoir marché dans la rue… puis ce camion… »
Un autre, le plus mince de tous, tremblait un peu. « Moi, je suis sûr que j'ai… j'ai glissé dans la baignoire. Je me suis cogné la tête. »
Hikaru déglutit.
Ils étaient tous morts, alors ?
Il ouvrit la bouche pour parler, mais un son étrange retentit dans sa tête, comme un « ding » numérique. Devant lui, une fenêtre translucide apparut, bleutée, flottant dans l'air. Les autres garçons sursautèrent : chacun avait la même chose juste devant les yeux.
Une interface.
Comme dans un jeu vidéo.
— Bienvenue, réincarné n°3 : Tanaka Hikaru —
Votre nouvelle identité physique a été optimisée.
Objectif principal : Former un groupe d'idols masculins et atteindre la célébrité nationale en 365 jours.
Échec = Perte immédiate de la vie réincarnée.
« Quoi ?! » cria le costaud.
« Attendez… c'est une blague ? » murmura Hikaru, dont les mains tremblaient.
Les autres lurent leurs propres fenêtres à voix basse :
« — Réincarné n°1 : Yamamoto Riku… »
« — Réincarné n°2 : Suzuki Kaito… »
« — Réincarné n°4 : Takahashi Ren… »
« — Réincarné n°5 : Nishimura Souta… »
Ils échangèrent des regards, incrédules, les épaules crispées.
« On doit… devenir des idols ? Moi ?! » fit Kaito, le garçon costaud qui semblait soudain paniqué en palpant son visage devenu plus fin. « J'ai jamais chanté devant quelqu'un ! Et danser ? Oubliez ! »
Ren, celui qui avait l'air le plus dur, serra les dents. « C'est forcément un mauvais rêve. On ne disparaît pas comme ça et on ne réapparaît pas dans un appart de luxe pour… jouer les stars de la pop. »
Hikaru n'arrivait pas à décrocher les yeux de la fenêtre flottante. Elle restait immobile, parfaitement lisible. Il se voyait dans son reflet, et ce qu'il vit le troubla profondément : un visage qu'il n'avait jamais eu. Nettement plus beau. Harmonieux. Lumineux.
« Pourquoi… pourquoi je ressemble à ça ? » murmura-t-il.
Riku, celui qui semblait le plus calme, posa une main sur son menton. « Je crois que… ce truc veut dire qu'on a tous été 'optimisés'. Dans mon cas… je n'ai plus mes lunettes. Je vois parfaitement. C'est irréaliste. »
« Et moi j'ai des abdos ! » s'étonna Kaito en soulevant son sweat avec une honnêteté déconcertante. « Moi, Kaito ! Des abdos ! »
Un silence lourd retomba, presque comique si l'atmosphère n'était pas aussi tendue. La fenêtre système disparut, puis réapparut instantanément comme pour attirer leur attention.
— Votre encadrante arrivera dans 60 secondes. Préparez-vous.
Encadrante ?
Hikaru sentit son cœur bondir. Il n'était vraiment pas préparé à tout ça.
Soudain, on frappa à la porte.
Tous sursautèrent. Ren se leva d'instinct, prêt à faire face, tandis que les autres se rapprochèrent les uns des autres presque naturellement. Hikaru n'avait aucune idée de ce qui se trouvait derrière cette porte, mais il sentait confusément que la réponse allait changer le cours de sa nouvelle existence.
La poignée tourna lentement.
Une femme entra, élégante, cheveux attachés, tailleur sobre mais impeccable, regard perçant comme une lame de rasoir. Elle semblait dans la trentaine, mais sa posture et sa manière de prendre la pièce entière du regard donnaient l'impression qu'elle avait tout vu, tout vécu, tout anticipé.
« Bonjour à tous. » Sa voix était posée, calme, mais étrangement autoritaire. « Je suis Aya Fujimoto, votre encadrante désignée par le système. À partir d'aujourd'hui, je suis votre manager, votre mentor, votre garde du corps et votre dernier rempart contre l'échec. »
Kaito leva timidement la main. « Madame… on est où ? Et pourquoi nous ? »
Aya avança dans la pièce sans hésiter et posa devant eux un dossier noir. « Vous êtes dans un appartement mis à disposition par le système, situé à Tokyo. Ce lieu servira de dortoir, de studio de répétition et de base d'opérations. »
Elle balaya chacun d'eux du regard. Hikaru sentit une sueur froide courir le long de son dos.
« Quant à 'pourquoi vous'… Vous êtes morts. Le système vous a sélectionnés pour une seconde vie. Une vie améliorée. Mais rien n'est gratuit. Votre mission est simple : former un groupe d'idols masculins de style K-pop, vous entraîner, produire des performances de haut niveau et atteindre la célébrité avant la fin des 365 jours. »
« Et si on échoue ? » demanda Riku d'une voix plus faible que son apparence confiante ne le suggérait.
« Vous perdez votre vie actuelle. Définitivement. »
Cette fois, aucun d'eux n'émit le moindre son.
Aya claqua dans ses mains. « Bien. Maintenant que vous êtes réveillés, nous allons procéder à la première étape : l'évaluation de vos compétences. Le système vous a donnés de nouveaux corps, mais vos capacités brutes doivent être analysées. »
Une nouvelle fenêtre apparut devant eux tous :
— Test vocal dans 10 minutes
— Test de danse dans 20 minutes
— Test de synchronisation dans 40 minutes
Kaito gémit. Ren se massa la nuque. Souta sembla prêt à s'évanouir.
Hikaru, lui, sentit une étrange chaleur envahir sa poitrine.
La peur ?
L'excitation ?
La sensation d'avoir enfin une chance ?
Aya observa chaque expression, puis ajouta :
« Vous n'avez pas à être parfaits aujourd'hui. Vous devez juste commencer. À partir de ce moment… vous êtes un groupe. Et que vous le vouliez ou non, votre vie dépend de votre réussite. »
Hikaru inspira profondément.
Une seule pensée traversa son esprit :
Cette fois… je ne la gâcherai pas.