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Chapter 8 - 8- Les fissures du mensonge

Chapitre 8 – Les fissures du mensonge

Camille resta silencieuse un instant, le regard planté dans le vide. La phrase d’Adrian résonnait encore dans sa tête : "Beaucoup de gens ont des histoires compliquées." Il avait haussé les épaules, comme si ça n’avait aucune importance. Mais elle, elle avait entendu autre chose. Un éclat d’hésitation. Un infime trouble. Et cette fois, elle ne passerait pas à côté.

— Adrian, pourquoi tu ne veux jamais me parler de tes journées ?

Il releva la tête, surpris. Son visage trahit brièvement un agacement mal contenu.

— Quoi ? Mais je te parle, Camille. Tous les soirs. T’as juste pas envie d’écouter.

Elle esquissa un sourire sans joie.

— Tu me parles, oui. Mais tu ne me dis rien. Tu t’arranges avec les mots. Tu contournes. Tu caches.

Il soupira longuement, comme s’il portait un fardeau dont il n’avait pas le courage de se débarrasser. Il se leva, fit quelques pas dans le salon, puis se retourna vers elle.

— Tu veux savoir quoi, exactement ? Que je suis fatigué ? Que j’ai la tête ailleurs à cause du boulot ? Oui, c’est vrai. Je suis épuisé, Camille.

Elle se leva à son tour, s’approcha, doucement.

— Ce n’est pas de la fatigue que je vois dans tes yeux. C’est de la distance. Comme si tu n’étais plus ici. Comme si… tu étais ailleurs. Avec quelqu’un d’autre.

Un silence brutal s’abattit. Adrian la fixa, immobile.

— Tu penses que je te trompe ?

Elle ne répondit pas. Son silence était plus puissant que n’importe quelle accusation.

Il esquissa un rire amer.

— C’est ça, alors. On y est. T’as parlé à Maya, et maintenant tu te mets à douter. Tu crois qu’elle sait des choses, c’est ça ?

Cette fois, c’est Camille qui eut un léger tressaillement.

— Pourquoi tu parles d’elle ? Je n’ai même pas mentionné son nom.

Adrian se figea.

Elle le regarda longuement. Un battement de cœur. Deux. Puis elle reprit, plus calme, plus glaciale.

— Si tu veux que je te croie, alors aide-moi à comprendre. Montre-moi ton téléphone. Montre-moi ce que tu caches.

Il recula d’un pas, secoua la tête.

— T’as perdu la tête. C’est ma vie privée.

— La vie privée d’un homme marié n’existe pas quand sa femme sent qu’il ment.

Elle tendit la main. Il ne bougea pas.

— Très bien, dit-elle enfin. Si tu n’as rien à te reprocher, tu n’auras rien à cacher.

Elle tourna les talons et s’éloigna vers la chambre, sans ajouter un mot. Adrian resta là, figé, le souffle court, pris entre deux feux : celui de son mensonge et celui du regard de Camille, qui commençait à voir clair.

Adrian resta debout un long moment, seul dans le salon plongé dans une semi-pénombre. Le silence pesait lourd, presque suffocant. Son téléphone vibra dans sa poche. Il le sortit lentement, jeta un œil à l’écran. Un message. Il hésita, le regarda sans l’ouvrir, puis verrouilla l’appareil et le glissa dans sa poche.

Dans la chambre, Camille faisait mine de ranger des vêtements dans le placard. En réalité, elle écoutait les bruits, les pas, le moindre mouvement. Elle s'attendait à ce qu’il vienne, qu’il tente d’arrondir les angles, de désamorcer la tension. Mais rien. Il restait dans son silence. Cela en disait long.

Quelques minutes plus tard, il frappa à la porte entrouverte.

— Tu veux vraiment qu’on en arrive là ? demanda-t-il, presque las.

Elle ne se retourna pas.

— On y est déjà, Adrian.

Il entra, resta près de la porte.

— Tu me surveilles maintenant ? Tu veux fouiller mes affaires, mon téléphone, mes mails ? C’est ça, l’amour pour toi ?

Elle ferma doucement un tiroir et pivota vers lui, les bras croisés.

— Non. L’amour, c’est la transparence. Pas l’omission. Ce que je veux, c’est retrouver celui que j’ai aimé. Pas cet étranger que je ne reconnais plus.

Il baissa les yeux, incapable de soutenir son regard. Ce qu’il ignorait, c’est que Camille l’observait comme jamais auparavant. Les détails, les silences, les mots non prononcés… Tout devenait des indices.

— Très bien, dit-elle enfin. Tu veux garder ton téléphone ? Soit. Mais sache que je n’arrêterai pas de chercher. Je préfère une vérité douloureuse à une illusion confortable.

Adrian sortit de la pièce sans répondre.

Camille, elle, s’assit sur le lit. Son cœur battait fort. Elle venait de franchir un point de non-retour. Pourtant, elle ne regrettait rien.

Ses pensées revinrent à sa discussion avec Maya. Celle-ci lui avait glissé, entre deux phrases anodines : « Tu sais, certains sourires cachent des silences plus lourds qu’on ne croit. » À l’époque, Camille n’y avait pas prêté attention. Mais maintenant, tout résonnait autrement.

Elle sortit son ordinateur portable, l’ouvrit et se connecta à un vieux compte mail qu’Adrian utilisait autrefois. Il avait l’habitude d’y lier ses anciens réseaux, ses abonnements… Peut-être y trouverait-elle un indice. Un lien. Une trace.

Elle fouilla dans les anciens courriels. Beaucoup de spams. Des notifications sans intérêt. Et puis… un mail, vieux d’à peine deux semaines. Objet : « Confirmation de rendez-vous – Espace Bien-Être Maya ».

Elle sentit son souffle se bloquer.

Le nom. Le lieu. La date. Tout concordait. Ce jour-là, Adrian lui avait dit qu’il était en déplacement pour une réunion prolongée.

Camille se redressa lentement, une étrange lucidité traversant son regard. Ce n’était peut-être qu’un nom de centre. Peut-être un hasard. Mais elle n’y croyait plus.

Elle savait qu’elle tenait un fil.

Et cette fois, elle était bien décidée à le tirer jusqu’au bout.

À suivre...

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